TEMOIGNAGES
L' atelier parfum des Ateliers Olfactifs à la Maison des Adolescents de Paris
(Octobre 2020)
L’atelier parfum est l’un des groupes thérapeutiques proposés aux jeunes patients de l’hôpital de jour de la Maison des Adolescents à Paris. Aucun d’entre eux n’ayant appris à sentir, cet atelier permet à ces adolescents de découvrir un nouveau terrain d’expériences. Grâce à cette médiation particulière mobilisant ce cinquième sens inexploré, ils se connectent à leurs sensations, accèdent à leurs souvenirs et les communiquent, ouvrent leur imaginaire, et découvrent un nouveau médium pour s’exprimer, partager et reprendre confiance en eux.
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Un Atelier Olfactif à Saint Louis (10 avril 2018)
Atelier animé en alternance par Mathilde Bijaoui et Valérie Pasmanian
avec participation de Nathalie André : responsable des animations de la médiathèque de Saint Louis.
CE JOUR LA, PARTICIPAIENT : TANIA, HEIDE, MANUELLE, MARYSE, JOËLLE, NATHALIE ET MOI
Nous avons la chance de faire cet atelier dans la grande et belle salle voutée de la médiathèque, bâtiment séparé de la partie hospitalisation. Les participantes (très peu d’hommes) sont en traitement en cancérologie. A leur demande le thème choisi est : les odeurs du Printemps
Au programme : Jacinthe, Jasmin, Rose, Herbe coupée, Violette, Fleur d’oranger, Camomille, Odeur de propre (lessive)
Je ne leur dévoile pas les noms des parfums à l’avance, et leur demande de ne rien dire tout haut mais d’écrire une phrase, un adjectif, un nom ou de penser à un moment, un souvenir...qu’évoque l’odeur.
Les touches tournent, c’est difficile de rester silencieuse, mais le jeu les amuse. On entend des « ah, mais oui..., oh ! » je vois des grimaces, des sourires.
Après quelques secondes, les langues se délient. Leur première réaction est d’essayer de reconnaitre l’odeur avant de de dire ce qu’elles ressentent, et ce n’est que dans un 2ème temps qu’elles évoquent un souvenir, une couleur, une appréciation ...
Lorsqu’elles sentent les parfums de Jacinthe, Rose, Jasmin, Fleur d’Oranger, elles imaginent les bonnes couleurs, mais évoquent toutes spontanément pour chaque senteur : un savon, les produits d’entretien, ou un produit cosmétique, et non la fleur. Exception faite pour l’herbe coupée, où la description est très précise : « ... enfants, on allait dans les jardins des maisons, pour voler les pommes vertes, ... « et pour la violette qui rappelle à l’unanimité les fameux Bonbons.
Ensuite je leur distribue une dernière touche « lessive » : « ah là, ça sent vraiment très bon la nature, la rose, le vent dans les draps qui sèchent ». Les parfumeurs ont vraiment le talent de faire entrer la Nature chez nous !
Au cours de cette séance, elle se sont évadées, ont raconté des souvenirs, ont été surprises par leur sens olfactif et surtout passé un bon moment ensemble. Elles remercient chaleureusement : « c’était vraiment une découverte !... j’ai adoré... je vais revenir... »
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Atelier senteurs en Gériatrie à Ambroise Paré (Boulogne Billancourt)
animé en alternance par Anne Camilli, Catherine Spindler et Aurore de Marion
En ce mardi après-midi, quelques patients viennent rejoindre l’atelier senteurs curieux de ce qu’ils vont y découvrir ! Trois femmes, un homme et deux accompagnants, fils de patients, sont présents.
Nous allons sentir une quinzaine d’odeurs en essayant de les reconnaître et surtout d’évoquer les souvenirs qui y sont reliés, le but de cet atelier étant de stimuler la mémoire des patients. Pour les participants, cette séance est souvent une pause récréative bienvenue dans leur longue journée à l’hôpital.
Une patiente me prévient: «je ne sens rien et ne sais pas reconnaître les odeurs; je vais vous faire perdre votre temps! » Un autre nous raconte en boucle qu’il a travaillé dans l’industrie de la parfumerie, nous citant des noms de marques prestigieuses.
Le thème d’aujourd’hui porte sur les fruits. Les odeurs se succèdent avec plus ou moins de succès. Quand les participants peinent, quelques indices les mettent sur la voie : « c’est une baie de petite taille, rouge, acidulée… on peut faire des confitures, des tartes… » ou bien « ça pousse en Normandie, on en fait aussi de l’alcool…». Quelle joie s’affiche sur leur visage lorsqu’ils identifient une odeur ! Une dame en a identifié plus de la moitié aujourd’hui, nous contant ses recettes de cuisine, comment elle préparait la rhubarbe pour ses tartes.
Lorsque l’atelier se termine, des sourires illuminent les visages de chacun ! «Merci pour votre temps; c’est formidable cet atelier!», «C’est un rayon de soleil dans notre journée ! », « Je reviendrai la semaine prochaine ».
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Patty Canac , olfactothérapeute, qui anime les ateliers à l’hôpital Salpêtrière à Paris.
Au cours des ateliers individuels, accompagnée d’une neuropsychologue, elle fait sentir une odeur au patient et l’invite à évoquer, à élaborer, à se remémorer, à apprendre, à expliquer, à mettre des mots sur ses émotions, sur son ressenti et à voyager olfactivement.
La touche olfactive du patchouli est présenté en aveugle à M. K.. Au premier abord, celui-ci est surpris par l’odeur, puis il ferme les yeux. Quelques minutes passent dans un silence de plomb. Un sourire est ébauché sur ses lèvres. Le souvenir date des années 70, lorsqu’il voyageait en Inde, les femmes portaient des saris en soie parfumés au patchouli…une douce émotion de retour en arrière. Il se souvient d’un coffre stocké dans une arrière boutique d’un commerçant de Cochin, là où il fit la rencontre inoubliable d’un petit bonhomme qui taillait dans un coin sombre des étoffes pour en faire de somptueux vêtements. « Il se nommait « Akand », ce qui signifie « calme », et effectivement il prenait tout son temps, l’odeur flottait dans l’air chaud, c’était celle-ci.
Je ne m’attendais pas à retrouver Akand aujourd’hui avec vous dans un cadre tellement différent ! C’est un flash de ma vie que je viens de revivre avec bonheur. »
Au cours de cette séance, l’odeur a permis à M. K. de voyager dans l’espace et dans le temps, d’évoquer son ressenti et de décrire ses souvenirs avec précision en y mêlant les cinq sens.
*Photo de Valérie Hue. Accompagnimage est une idée participative qui a pris naissance à la Salpétrière et un outil de communication dans la relation soignant/soigné/entourage. Valérie fait une belle exposition permanente dans les couloirs du service, avec des photographies de patients en Kiné et dans d’autres activités.
Valérie et Paméla expriment leur expérience à Ambroise Paré où elles animent l’atelier Ados.
Elle s'appelle Émilie, elle a 15 ans. Elle arrive timide, le regard baissé et s'assoit autour de la table pour commencer l'atelier. Comme beaucoup dans ce service Ado d’Ambroise Paré à Boulogne, elle est sous perfusion, sa voix est toute faible, je lui demande même de parler un peu plus fort car je ne l'entends pas. Et puis, nous commençons à sentir… Les remarques sont timides, les commentaires très simples. Et petit à petit quelque chose se passe, elle se détend. Soudain la porte s’ouvre, c'est la psychologue: « Émilie, je peux te voir un moment ?" Alors elle se lève lentement, traîne sa perf derrière elle et sort de la salle. Au bout de quelques minutes elle revient et lapsychologue qui l’accompagne me dit "ça l'air tellement bien ce que vous faites et Emilie avait tellement envie poursuive cet atelier …, je la verrai un peu plus tard".
L'atmosphère se détend complètement. Emilie commence à composer son parfum, son sourire illumine son visage. Quand elle le termine, elle me dit rayonnante :
"ça me plaît vraiment beaucoup » !
Valérie
- T’es arrivée quand?
- Hier soir.
- Pourquoi t’es là?
- TS
-T’as pris des cachets?
- Oui. Et vous?
- Moi aussi.
Dialogue presque banal, sur un ton ordinaire, en l’absence de l’éducatrice partie un instant. Une attention bienveillante, un échange, une vraie solidarité entre les ados réchauffent ce dialogue glaçant. Elles s’exprimeront tout au long de l’atelier.
Inutile pour Sonia, la peau sur les os, perfusée, de préciser de quoi elle souffre. Ou pour Paul, dont les bras nus sont scarifiés. La très grande majorité des ados hospitalisés à Ambroise Paré souffrent de troubles psychologiques.
- Bon, heureusement vous êtes là et nous allons sentir ensemble!
Et les voilà entraînés rapidement à découvrir les matières premières et les bases qui leur serviront à composer leur parfum. A échanger leurs impressions, leurs réactions, leurs souvenirs sur chaque matière. A s’évader de l’hôpital, à changer d’humeur, à oublier leurs maux.
Au fil de l’atelier (qui dure d’une heure et demie à deux heures), la parole se libère, le sourire revient, la présence de chacun se transforme clairement . Parfois, une énorme bouffée d’émotion surgit en sentant une matière première: « Maman! », comme un cri sourd, poussé par Lucie ou Jeanne en sentant la base Muscs.
Lise est arrivée avec une immense question dans les yeux, ayant du mal à parler à échanger, comme paralysée. Certaines ados, comme Lise, réclament une attention particulière au moment de la formulation de leur parfum. Mais tous, sans exception (80 en 2016 au cours de 22 ateliers) repartent contents d’eux, de leur parfum, de ce moment de partage, de liberté et de création.
Lise comme les autres, qui colle soigneusement l’étiquette portant le nom de son parfum « Rose apprivoisée », car un parfum sans nom n’est pas un parfum (le baptême est un autre moment très révélateur!). Avant de repartir, sourire aux lèvres avec son flacon et sa formule.
Paméla : "Fascinant pour nous qui animons les ateliers, de mesurer, à chaque fois, l’incroyable pouvoir de l’odeur !"